Illustration : Tatjana Rittner |
Sous les assauts répétés, je sors de mon silence. J’aurais tellement
apprécié que quelqu’un pose la véritable, la seule et unique question à poser :
Qu’est-ce qu’un homme pourrait m’offrir que je ne puisse m’offrir
moi-même ?
La réponse dépasse évidemment l’aspect matériel, à l’heure où les rôles
sont inversés, où l’homme a plus besoin de la femme que la femme de l’homme, où
l’évolution et l’adaptabilité féminines ont dépassé celles de l’homme, à
l’heure où la majorité des hommes (malheureusement) sont plus dans le
« mâle » que dans l’« Homme », où l’intelligence émotionnelle
de la femme est devenue infiniment plus subtile et plus efficace que celle de
l’homme.
Alors un homme qui ne saurait laisser de côté sa croyance en une
« mission salvatrice », celle évidemment de « sauver la femme
des griffes du célibat » - ce même célibat qui aujourd’hui est plutôt une
bénédiction alors qu’il était presque une tare pour nos grand-tantes - ne
pourrait m’offrir que peu de choses. Bien peu pour que je sacrifie ma liberté
et mon bien-être sur l’autel du machisme.
« De toute façon, il y a dix femmes pour un seul homme, » se
défend-il en bombant le torse. Vraiment ??
Oui, vraiment. Car lorsqu’on y regarde d’un peu plus près, on s'aperçoit bien vite
que les hommes préfèrent les femmes dépendantes et débonnaires aux femmes qui
s'assument et représentent pour eux un défi intellectuel.
Alors, oui, il y a dix femmes pour un seul homme. Et même plus : sur ces
dix femmes, aucune ne permettrait que son avenir ou sa vie dépende d’un homme.
On peut déjà deviner les réponses : « tous les hommes ne sont pas
pareils, je donne tout, je ne suis pas celui que tu penses, les femmes sont
très exigeantes, elles portent la culotte… ».
Parler est une chose, agir en est une autre.
Tandis qu’Adam s’accroche à ses concepts rétrogrades du temps de la Genèse,
Ève, elle, vogue déjà loin vers l’horizon. Elle n’est plus Ève. Elle est Hao-Khieou-Tchouan,
la Femme Accomplie.
Tandis qu’il a peur de l’évolution féminine, a peur que sa femme, son
objet, sa possession (faut-il lui sortir un titre de propriété ?) ne lui
échappe, il joue la carte de la surprotection pour se mettre en valeur et se
rendre indispensable, il s’accroche à l’idée que la vie d’Ève – ce sous-produit
de l’humanité - s’arrêterait sans son intervention virile… Et Hao-Khieou-Tchouan
lui échappe. Tiens donc !
Célibataire, elle se voit différemment, en femme accomplie, épanouie, alors
que ses amies épouses et mères luttent pour trouver cinq minutes pour
s’échapper de leur quotidien. Sa liberté n’a pas de prix, alors que ses amies s’étonnent
que leurs époux s’accrochent à leurs jupons aussi fortement que leurs poupons.
Elle CHOISIT ses compagnons, alors que ses amies ploient sous les « je
t’ai sauvé de ta famille, je suis ton héros, alors mes défauts, tu les
acceptes ».
Fonder une famille apporte sûrement beaucoup de joies oui, sans conteste.
Mais à peser dans la balance ?? Ses amies épouses et mères le savent - d’ailleurs
ma réflexion repose sur leurs propos-mêmes -, on trouve le bonheur en voyant
les enfants grandir… mais ce « bonheur »… ?? L’ombre au tableau
est plus qu’une envie, plus qu’un souhait, elle est une
« frustration ».
Quant à vous, Messieurs, ne vous piquez pas, on vous aime, et l'on pourrait vous aimer infiniment si vous saviez évoluer, accompagner votre
temps, si vous pouviez cesser de regarder votre femme comme un robot
électro-ménager, si vous arrêtiez de célébrer avec autant de condescendance –
pour ceux qui la célèbrent – la Journée (méprisante) de la Femme… Si surtout
vous pouviez lire ces lignes avec assez d’honnêteté et d’humilité pour ne pas
me traiter de « jalouse » et de « complexée » pour avoir bousculé
un peu votre égo mâle.
Sachez également que nous aurons toujours plaisir (PLAISIR, et non besoin)
à nous reposer sur votre bras protecteur, à apprécier vos qualités, à célébrer
en vous cette moitié virile dont parle Aristophane... Il suffirait uniquement d’honorer vos mères qui se
sont données tant de mal pour vous éviter une mentalité de croq’magnon…
Alors, Messieurs, si vous voulez que je sacrifie ma liberté pour vous, il
faudra m’offrir (et je dis bien offrir, non pas échanger ou vendre) une
maturité de l’esprit, un zeste d’humilité (ingrédient quasi-impossible à
trouver, mais vous voyez bien que je ne demande qu’un zeste), un regard
différent.
En un mot, Messieurs, ayez l’élégance du corps et de l’âme.