16 juil. 2015

Alors, je t’épouserai.

Illustration : Tatjana Rittner

Ma sœur ayant eu l’idée saugrenue de se marier selon le concept classique de l’institution, je suis victime d’un bombardement de questions classiques qui fusent de toutes parts : « et toi ?? », « tu ne sauras jamais te caser ?? », « yalla, à quand ton tour ?? », « ta sœur est plus jeune ?? walaw ! comment tu acceptes ?? » et j’en passe.

Sous les assauts répétés, je sors de mon silence. J’aurais tellement apprécié que quelqu’un pose la véritable, la seule et unique question à poser :

Qu’est-ce qu’un homme pourrait m’offrir que je ne puisse m’offrir moi-même ?
La réponse dépasse évidemment l’aspect matériel, à l’heure où les rôles sont inversés, où l’homme a plus besoin de la femme que la femme de l’homme, où l’évolution et l’adaptabilité féminines ont dépassé celles de l’homme, à l’heure où la majorité des hommes (malheureusement) sont plus dans le « mâle » que dans l’« Homme », où l’intelligence émotionnelle de la femme est devenue infiniment plus subtile et plus efficace que celle de l’homme.

Alors un homme qui ne saurait laisser de côté sa croyance en une « mission salvatrice », celle évidemment de « sauver la femme des griffes du célibat » - ce même célibat qui aujourd’hui est plutôt une bénédiction alors qu’il était presque une tare pour nos grand-tantes - ne pourrait m’offrir que peu de choses. Bien peu pour que je sacrifie ma liberté et mon bien-être sur l’autel du machisme.

« De toute façon, il y a dix femmes pour un seul homme, » se défend-il en bombant le torse. Vraiment ??
Oui, vraiment. Car lorsqu’on y regarde d’un peu plus près, on s'aperçoit bien vite que les hommes préfèrent les femmes dépendantes et débonnaires aux femmes qui s'assument et représentent pour eux un défi intellectuel.
Alors, oui, il y a dix femmes pour un seul homme. Et même plus : sur ces dix femmes, aucune ne permettrait que son avenir ou sa vie dépende d’un homme.

On peut déjà deviner les réponses : « tous les hommes ne sont pas pareils, je donne tout, je ne suis pas celui que tu penses, les femmes sont très exigeantes, elles portent la culotte… ».

Parler est une chose, agir en est une autre.

Tandis qu’Adam s’accroche à ses concepts rétrogrades du temps de la Genèse, Ève, elle, vogue déjà loin vers l’horizon. Elle n’est plus Ève. Elle est Hao-Khieou-Tchouan, la Femme Accomplie.
Tandis qu’il a peur de l’évolution féminine, a peur que sa femme, son objet, sa possession (faut-il lui sortir un titre de propriété ?) ne lui échappe, il joue la carte de la surprotection pour se mettre en valeur et se rendre indispensable, il s’accroche à l’idée que la vie d’Ève – ce sous-produit de l’humanité - s’arrêterait sans son intervention virile… Et Hao-Khieou-Tchouan lui échappe. Tiens donc !

Célibataire, elle se voit différemment, en femme accomplie, épanouie, alors que ses amies épouses et mères luttent pour trouver cinq minutes pour s’échapper de leur quotidien. Sa liberté n’a pas de prix, alors que ses amies s’étonnent que leurs époux s’accrochent à leurs jupons aussi fortement que leurs poupons. Elle CHOISIT ses compagnons, alors que ses amies ploient sous les « je t’ai sauvé de ta famille, je suis ton héros, alors mes défauts, tu les acceptes ».

Fonder une famille apporte sûrement beaucoup de joies oui, sans conteste. Mais à peser dans la balance ?? Ses amies épouses et mères le savent - d’ailleurs ma réflexion repose sur leurs propos-mêmes -, on trouve le bonheur en voyant les enfants grandir… mais ce « bonheur »… ?? L’ombre au tableau est plus qu’une envie, plus qu’un souhait, elle est une « frustration ».

Quant à vous, Messieurs, ne vous piquez pas, on vous aime, et l'on pourrait vous aimer infiniment si vous saviez évoluer, accompagner votre temps, si vous pouviez cesser de regarder votre femme comme un robot électro-ménager, si vous arrêtiez de célébrer avec autant de condescendance – pour ceux qui la célèbrent – la Journée (méprisante) de la Femme… Si surtout vous pouviez lire ces lignes avec assez d’honnêteté et d’humilité pour ne pas me traiter de « jalouse » et de « complexée » pour avoir bousculé un peu votre égo mâle.

Sachez également que nous aurons toujours plaisir (PLAISIR, et non besoin) à nous reposer sur votre bras protecteur, à apprécier vos qualités, à célébrer en vous cette moitié virile dont parle Aristophane... Il suffirait uniquement d’honorer vos mères qui se sont données tant de mal pour vous éviter une mentalité de croq’magnon…

Alors, Messieurs, si vous voulez que je sacrifie ma liberté pour vous, il faudra m’offrir (et je dis bien offrir, non pas échanger ou vendre) une maturité de l’esprit, un zeste d’humilité (ingrédient quasi-impossible à trouver, mais vous voyez bien que je ne demande qu’un zeste), un regard différent.

En un mot, Messieurs, ayez l’élégance du corps et de l’âme.


28 août 2013

Kaak kaak

Il tient de l’analphabétisme historique et sociopolitique de croire que la Révolution – toute révolution – tiendra ses promesses. Car toute révolution porte en elle les germes de moments thermidoriens où ses idéaux se retrouveront à terre, fanés, délavés, et où la contre-révolution tentera de jeter les bases du nouveau régime politique. La République française a mis près de 60 ans à se construire, et plus de 80 ans à se stabiliser. Ceux qui, aujourd’hui, fuient le régime syrien sont ceux-là mêmes qui ont applaudi au coup d’état de Hafez el Assad, ceux-là mêmes qui y reviendront applaudir les « takfiristes » qui auront fait place nette, et ceux-là mêmes qui chasseront les fondamentalistes du pouvoir pour les remplacer par d’autres dictateurs. Car les nations arabes ne sont pas mûres pour le modèle démocratique occidental. Une seule constante : aucun régime syrien n’accordera au Liban le droit à l’indépendance. Il faut impérativement faire cesser cette vague d’hypocrisie qui submerge le Liban. Les « pauvres réfugiés syriens », qui ce ne sont que « des êtres humains, arrachés à leur terre par la violence », bla bla, sont pour leur grande majorité d’anciens partisans du régime syrien, d’anciens membres des services sanguinaires de renseignements, geôliers à Mazzé et Anjar, membres de l’armée barbare qui a massacré de sang-froid 12 soldats à Dahr el wahech, et tué à la baïonnette des dizaines de militaires et de civils pour ne s’en tenir qu’à ce tristement célèbre 13 octobre 1990, partisans d’un régime qui n’a eu de cesse de collaborer avec Israël, se montrant plus pressé encore quand il s’agissait de se partager le gâteau libanais, partisans d’un régime qui n’assassine pas les Libanais pour leur confession, leurs idéaux ou leurs actes, mais simplement parce qu’ils sont Libanais. Et parmi ceux qui n’ont pas combattu, espionné, collaboré, aucun de ces « pauvres réfugiés syriens » n’a jamais levé le petit doigt pour le Liban. Certes, leurs enfants ne méritent pas de mourir massacrés, mais ils ne méritent pas que nous mourions pour eux et que notre pays soit une fois de plus asphyxié par une présence syrienne parasite et anthropophage, de réfugiés ou non. Le peuple syrien a pendant 40 ans applaudi la famille Assad, il n’y a pas si longtemps, le rejeton ophtalmo était élu à 98% des voix, que les Syriens ne viennent pas nous faire porter la responsabilité de ses enfants qu’ils ont d’ailleurs formatés dès leur plus tendre enfance sur le mode « anti-libanité », concept dont ils ne se dépareront jamais, quel que soit le régime politique. N’oublions pas : pour le peuple syrien, tous bords confondus, le Liban reste et restera un district de la Syrie. Il ne faut pas tomber dans le piège de la « fraternité », ceux que nous accueillons aujourd’hui en notre demeure nous poignarderons dans le dos dès qu’ils seront en mesure de le faire. Aucun Syrien, bon nationaliste, n’acceptera que le Liban soit indépendant de la Syrie, ne serait-ce que pour des intérêts stratégiques et économiques. La question ne relève pas de charité chrétienne, mais de survie pour les Libanais. Notre pays s’est suffisamment saigné aux quatre veines pour nourrir sa « grande sœur » (tiens, donc ! comme les rôles sont inversés !). Assez de fausse humanité et d’imposture ! Peu d’entre nous se soucient du sort des réfugiés syriens et nos anciens bourreaux se promènent parmi nous. Le « kaak kaak » résonne encore dans nos oreilles pire qu’un glas. Quant à ceux qui ont la mémoire courte et défendent aujourd’hui le régime par peur des « takfiristes », ceux-là sont réputés pour avoir déjà retourné leur veste en d’autres occasions. Ils ne sont même pas dignes qu’on baisse les yeux sur eux, même pour les qualifier d’hypocrites.

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